Ce mardi 04 septembre, j’organisais une conférence sur le bien-être au travail dans la continuité de ma conférence qui s’est tenue au sénat le 18 juin dernier.
Le monde du travail connaît de profondes mutations impliquant une articulation subtile mais indissociable entre ce qu’on appelle traditionnellement la qualité de vie au travail (QVT) et la performance économique de l’entreprise. Comment trouver le plus juste équilibre entre ces 2 points paradoxaux, en apparence ?
Et si de nouvelles pistes existaient ? Et si ces mutations nous amenaient à changer de paradigme : plutôt que de parler constamment du mal-être, comment amener du bien-être au travail dans nos structures ?
Avant tout, en me lançant sur ce sujet en tant que sénateur, je me disais que si on parle et on légifère sur la santé au travail, assez peu de choses existent sur le plan réglementaire sur le bien-être au travail défini par l’organisation mondiale de la santé comme « Un état d’esprit dynamique, caractérisé par une harmonie satisfaisante entre les aptitudes, les besoins et les aspirations du travailleur, d’une part, et les contraintes et les possibilités du milieu de travail, d’autre part ».
Pourtant les chiffrent parlent d’eux-mêmes car 24 % des salariés sont dans un état d’hyper-stress, 52 % des salariés présentent un niveau élevé d’anxiété et 16 % ont probablement un trouble anxieux, au sens médical du terme (Etude réalisée en 2017 réalisée sur 4 ans par le Cabinet STIMULUS). Si l’on observe le coût social de l’absentéisme dans les entreprises, ce sont 7 milliards d’euros par an et avec les coûts totaux induis, nous arrivons à 60 milliards. Il y a donc un enjeu humain majeur mais également financier en termes de prévention.
EINSTEIN disait avec une justesse incroyable : « la folie c’est de toujours faire la même chose et d’espérer un résultat différent ».
Lors de cette soirée, j’ai insisté sur la nécessité que ces débats sociétaux puissent être ouverts aux citoyens afin qu’il y ait une prise de conscience et qu’elle soit la plus large possible. Il me paraissait donc normal que nous ouvrions pour la première fois ce sujet à Saint-Pierre et Miquelon.
En tant que législateur, je fonde beaucoup d’espoir dans une démocratie participative que j’essaye de faire vivre à ma modeste échelle, c’est être utile que d’œuvrer dans ce sens.
Pour apporter quelques éclairages, car le sujet est vaste et complexe, je m’étais entouré de plusieurs conférenciers.
ANNE DORR, auteure-réalisatrice et mon attachée parlementaire sur les questions sociales, a organisé avec moi la conférence de juin dernier au Sénat.
Nous avons fait venir 3 spécialistesdu bien-être au travail qui oeuvrent dans les entreprises.
Avec un monde en plein bouleversement, nos repères habituels disparaissent et nous avons besoin de nouvelles lumières.
Anne nous rappelle d’où viennent les changements que nous vivons.
Elle nous remet en évidence les 2 grandes révolutions : la révolution numérique avec l’intelligence artificielle et l’autre plus notable, les neurosciences. Ces 2 révolutions, sont liées et impactent notre façon d’être et notre façon de travailler.
Nos modes de vie, nous ont aussi conduits à 3 grandes fractures.
En sommes nous conscients ?
En face de ces révolutions, elle nous explique en détail ces 3 trois grandes fractures qui s’accélèrent, provoquant ainsi une nécessité impérieuse de modifier nos modes raisonnement et par voie de conséquence nos actions : la fracture environnementale, la fracture sociale et la fracture liée à la perte de sens.
Ces fractures nous demandent des changements, elles nous demandent de repenser nos codes avec plus de souplesse ou d’agilitésuivant les entreprises et les corps de métier. On parle de nouveaux paradigmes, de nouvelles pistes qui doivent tenir compte du particulier tout en gardant une notion de globalité, de collectivité et d’impact sur le monde. On est bien dans un monde systémique, où tout est connecté.
DENIS GARNIER, auteur et conseiller social, et porteur d’un projet de structure locale d’accompagnement à la santé et au bien-être au travail dans l’archipel (aux côtés de l’association de médecine du travail, AMT). Il a abordé la nécessaire prise en considération de l’humain dans nos organisations.
Pour Denis, pas de bien-être au travail sans bien faire.
Qu’est ce que cela veut dire ?
Afin d’apporter les éléments permettant d’alimenter le débat, il s’est appuyé sur son expérience et les travaux de Yves CLOT (psychologue du travail et Professeur à la chaire de psychologie du travail du CNAM). Tout passe par un juste équilibre entre les objectifs et les moyens de les réaliser.
S’il existe souvent un écart entre le travail demandé et la capacité de le réaliser pour des raisons intrinsèques à l’entreprise ou tout simplement par la survenance d’un événement inattendu, c’est en définitive le salarié lui-même qui, constituant une ressource stratégique de l’entreprise, pourra combler cet écart et faire en sorte que la tâche se réalise.
Sans ses réflexes, ses compétences, son expérience et son intelligence, le travail ne pourrait s’accomplir. Par conséquent, partant de ce constat, il est indispensable que le salarié soit pris en considération par l’organisation pour ses observations ou ses idées visant à améliorer le travail et ses conditions.
C’est l’objet de l’utilité, de ce que Denis appelle, la dispute professionnelle qui permet d’échanger sur les difficultés du travail et de proposer du mieux faire. Les salariés comme les employeurs doivent comprendre que le bien-être au travail n’est pas une évidence. C’est une volonté qui doit se partager.
Fabien BESSIERE, cadre de santé au Centre Hospitalier François Dunan a donné son point de vue lié à sa pratique professionnelle en milieu hospitalier.
En quoi le management du bien-être d’une équipe comporte une dimension individuelle et collective ?
Fabien a exposé de manière précise en quoi l’accompagnement individuel de chaque salarié repose sur quelques éléments incontournables pour le cadre : une connaissance des qualités et compétences individuelles; une communication complète sur les objectifs du travail, ses contraintes, les risques ; manifester la reconnaissance autant de fois que nécessaire ; accompagner le désir de mobilité des agents.
Ensuite un accompagnement collectif, qui repose sur la création de valeurs, de règles, de critères de qualité et d’organisations communes qui sont partagés par chacun. C’est un élément essentiel puisque le partage avec les équipe réduit la 3èmefracture liée à la perte de sens dans le travail.
Pour Fabien il est important qu’un cadre ait une connaissance exacte de son rôle et de son environnement ainsi que des contraintes qui y sont liées. Il doit être artisan de son propre bien être et l’accompagnement individuel et collectif des membres de son équipe en sont les deux piliers.
Pour Fabien, le cadre est donc moteur du bien-être.
Un débat très intéressant s’en est suivi avec la salle qui s’est montrée participative sur ce sujet. Cela m’incite donc plus que jamais à imaginer une suite à ces travaux dans l’Archipel car ce sujet n’est pas seulement national, il est avant tout local car ce sont les acteurs du terrain qui alimentent ces réflexions.
Enfin, je reste persuadé que l’Archipel peut-être porteur d’un projet pilote en matière de santé et de bien-être au travail et j’ai indiqué dans le journal télévisé de SPM La 1ère que j’entendais porter auprès des plus hautes instances le projet initié par Denis Garnier et l’association de médecine du travail qui vise à la création dans l’archipel d’un service territorial de prévention de la santé au travail et de bien-être.
Je reste aussi à votre écoute sur ce sujet à l’adresse mail suivante : s.artano@senat.fr