Comment repenser nos relations professionnelles pour accroître la valeur du collectif ?
Quelle est la force immatérielle du collectif ?
Comment réinstaurer la confiance ?
Avec Jean Edouard Gresy, Olivier Ruthardt et CharlElie Couture.
Lors de la dernière conférence, nous avons abordé le sujet du leader, du manager, de l’individu. Pour cette 3ème conférence au Sénat, sans oublier celle de Saint Pierre et Miquelon, j’ai souhaité aborder le sujet du collectif.
Pour approfondir le sujet, j’ai fait appel à Jean Edouard Gresy co-auteur du livre, « La révolution du don » et à Olivier Ruthardt DRH de la Matmut.
Comment repenser le collectif ?
Le collectif est un sujet délicat parce qu’il regroupe une somme d’individus singuliers avec leurs envies, leurs forces et leurs fragilités, oeuvrant ensemble, a priori, pour un objectif commun.
Parler du collectif, c’est parler à la fois de l’importance de l’entreprise ET des êtres humains. Des liens qui s’y créent.
Jean Edouard Gresy est aussi médiateur et co-fondateur de la société Alternégo. Il introduit son discours par un constat : le niveau d’envie de se donner au travail des salariés baisse, le niveau d’engagement baisse et d’après des études, ce désengagement vient du découragement, du manque de sens, de la surcharge de travail et à 70 % du management et de l’organisation. Au départ, l’individu est plutôt motivé. Ce qui le démotive le plus est donc le disfonctionnement du collectif.
Qu’est ce qui s’est rompu entre le moment où le salarié a été embauché et la suite ?
Olivier Ruthardt a détourné le sujet comme suit :
Comment repenser ou repanser nos relations professionnelles ?
Pour lui la confiance est la première qualité à « repanser. »
Le chemin peut paraître simple : créer des liens de qualités pour faire renaître la confiance qui elle même engendrera la motivation.
Olivier Ruthardt et Jean Edouard Gresy se rejoignent sur l’importance de faire attention aux personnes en leur portant de la valeur, en les reconnaissant et disent-ils, cela passe par le dialogue.
Ce dialogue est indispensable pour accompagner tous les changements mais ce dialogue demande du temps et le temps humain n’est pas toujours compatible avec celui de l’économie. Il y a alors des injonctions paradoxales qui peuvent créer des conflits.
Olivier, tout comme Jean Edouard, insiste sur le fait qu’il y a du conflit constructeur et du conflit destructeur. Tout sera dans la façon de dialoguer. Et en tant que DRH, Olivier souligne l’importance de prendre soin de deux formes de dialogues :
Comment réguler ces injonctions paradoxales ?
– Par le dialogue avec les partenaires sociaux, en repensant les liens avec eux parce que tout a évolué et que la confiance a été éprouvée. Pourtant, ils sont des intermédiaires indispensables et il est important de redonner du sens à leur rôle, de la confiance et de la légitimité.
– Par un dialogue social permanent, celui des managers avec les salariés.
Il est par ailleurs fort possible qu’avec les ordonnances travail, ce dialogue viendra à se développer et il est donc fondamental de former les managers à la régulation, à la médiation et à la négociation. C’est ensemble, direction, managers et salariés qu’on peut tendre à l’équilibre d’une entreprise. L’équilibre de la Matmut s’affiche à travers 3 piliers : la satisfaction du travail, la qualité de la relation client et la notion de performance.
Le dialogue des dirigeants avec les équipes est de plus en plus important. Les salariés ont besoin de se projeter dans le but de l’entreprise.
Comment gérer les motivations des salariés et apporter du sens ?
Jean Edouard met en évidence les deux sortes de tâches dans un travail :
- Les algorythmiques, celles qui sont répétitives. On nous dit comment faire et ça fonctionne.
- Les euristiques, celles qui font appel à la créativité ou à la réflexion de la personne.
Les entreprises ou les managers qui font appel aux tâches euristiques, aux compétences du salarié en lui donnant une part personnelle, auront plus de résultats parce qu’ils vont toucher la part intrinsèque du salarié. C’est à dire les valeurs qui le motivent, qui lui donnent envie de s’engager.
Jean Edouard nous rappelle que les motivations intrinsèques d’un être humain sont le plaisir de s’engager, le plaisir de se retrouver en équipe, sentir du sens dans ce qu’il fait, se sentir en autonomie pour réaliser ses tâches, avoir le sentiment de pouvoir monter en compétence et connaître le plaisir du défi professionnel. Les motivations intrinsèques sont en lien direct avec le sentiment d’échange et de confiance.
Il est prouvé aujourd’hui que la motivation extrinsèque comme l’argent, souvent, ne suffit pas dans la motivation sur le long terme.
De plus aujourd’hui, beaucoup de ceux qui réalisent des tâches algorythmiques, vivent dans l’angoisse que celles-ci soient remplacées par l’Intelligence Artificielle (IA). Cette angoisse est génératrice de stress.
En revanche, un salarié en confiance, trouvant du sens à son travail va générer du don.
Le travail, c’est plus qu’un contrat, on y met de soi. Ne pas reconnaître un salarié dans son apport c’est refuser de reconnaître son don.
Le don et la reconnaissance du don.
Jean Edouard met en évidence que le don fait intrinsèquement partie de notre condition d’être humain depuis la nuit des temps et que d’une part, nous l’avons oublié et que d’autre part il n’est pas, ou mal, reconnu d’où notre mal-être.
Le don, ce sont de petites choses comme s’intéresser à l’autre, lui fêter son anniversaire, ou plus importante, le remplacer s’il a une urgence, partager des avis, faire équipe…
Les relations professionnelles de l’ancien modèle fonctionnaient ainsi : installation d’un pouvoir, de règles, d’un cadre et de négociations. Rappelons que la négociation est conditionnelle : pas de concession sans contrepartie … )
Le don quant à lui est inconditionnel. Dès qu’il y a relation humaine, il y a une relation avec le don. Il n’est pas quantifiable et ce qui est important est le lien qu’il crée. C’est un pari de confiance.
Le principe du don s’exprime en 4 étapes : demander, donner, recevoir, rendre…
Recevoir, c’est accepter d’être en dette et paradoxalement à nos croyances actuelles, les dons et les contre-dons construisent une relation de confiance, parce que nous sommes sur une reconnaissance mutuelle et un endettement progressifs qui nous lient.
Les conflits viennent quand il y a maldonne.
Comment les liens se délitent et comment reconstruire de la confiance quand elle n’existe plus ?
Pour mieux comprendre les comportements psychologiques qui bloquent le don et génère du conflit, Jean Edouard en a fait une approche ludique et humoristique.
Qui sont les managers toxiques ?
Le tyranodon rex : demander, c’est mettre les formes, sinon c’est exiger. Voilà des salariés face à un manager tyranodon rex.
Je vous laisse découvrir les autres dinosaures qui s’expliquent par eux)-même avec leur éthymologie comme le thimarodon, le mégalodon etc… toute la liste est dans son livre.
Jean Edouard insiste bien que le premier facteur de bonheur est la qualité de nos relations et qu’elle passe par la façon dont nous gérons notre relation au principe du don.
J’ai ensuite donné à la parole à Olivier Viot, coach que j’ai interrogé sur les bons usages du numérique dans la psychologie
Pour lui, les relations sont indispensables à notre vie, c’est une énergie. Les géants du tech répondent à 3 besoins fondamentaux : le plaisir, la sécurité et les interactions sociales. Le numérique a par ailleurs changé nos comportements mais aujourd’hui on est confronté aux dérives.
Olivier souligne qu’aujourd’hui nous sommes dans l’usage du numérique et qu’il est indispensable pour le bien-être des salariés d’aller dans l’apprentissage de cet usage afin de garantir son écologie numérique, assurer son éducation numérique et veiller à ce que son identité numérique soit alignée à son identité réelle.
Puisque notre objectif est de nous questionner en distribuant la parole, qui de mieux placé que l’artiste qui sans cesse questionne le monde pour conclure notre conférence ?
CharlElie Couture est artiste, chanteur, auteur, compositeur, artiste peintre et preneur de position en tant que citoyen.
Son dernier titre nous interpelle, m’interpelle : « ma descendance… »
CharlElie raconte son expérience en la mettant en avant comme une métaphore de la vie de tout salarié.
Il travaille seul, pour lui son minerai ce sont les émotions et son travail qu’il peut ex-porter, faire connaître va avoir besoin d’un collectif pour le faire vivre.
Plus chacun est à sa place, plus lui, l’artiste se sent libre. Il est indispensable pour lui de travailler dans le respect de chacun.
Le collectif est tout un art qui s’interroge en permanence.
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